Jean-Jacques Monier / La direction technique

Depuis maintenant une trentaine d’années est apparu au sein des organigrammes des maisons du spectacle vivant une fonction qui s’est de plus en plus imposée : le directeur(trice) technique. De plus en plus confronté à des normes techniques et budgétaires, de sécurité, de droit du travail, de concurrence, de révolutions quasi hebdomadaires technologiques, il a vu son rôle évoluer considérablement tout en essayant de ne pas perdre le pourquoi de son métier : l’amour du public et la volonté de participer à une œuvre artistique. 

Essayons donc de cerner les fonctions des responsables techniques et de les éclaircir. 

En premier lieu, regardons la définition de ce poste dans le Dictionnaire de la langue du théâtre d’Agnès Pierron, (édition datée de 2003), au terme Directeur technique nous trouvons ceci : « c’est le machiniste qui veille au bon déroulement de la représentation. On l’appelle plus volontiers chef de plateau. En même temps, il prend en compte le confort du spectateur, puisqu’il a en charge la totalité du bâtiment. » 



Bon, il est vrai que je ne possède qu’une vieille édition. Toutefois, si on peut dire qu’il y a de l’idée, c’est quand même un peu succinct, très (trop) flou voire complétement à côté de la plaque. 

Le directeur technique veille effectivement au bon déroulement de la représentation, mais si c’est un directeur technique… ce n’est pas un machiniste, sinon il s’appellerait machiniste. Quant au confort du spectateur, évidemment qu’il s’en occupe !… Mais pas seulement. 

Lorsque nous regardons la définition du poste telle que décrite dans la Convention Collective des Entreprises Artistiques et Culturelles, le directeur technique est défini comme suit : « Responsable de la réalisation et de l’exploitation technique des activités de l’entreprise. Responsable des équipements et du bâtiment, de l’organisation du travail des services techniques, de l’hygiène et de la sécurité. Responsable de l’accueil des équipes techniques extérieures ». Là encore la définition reste un peu à préciser, les partenaires sociaux ayant préféré laisser une marge de négociation au sein des entreprises. 

C’est donc au travers des fiches de poste que nous pouvons essayer de cerner plus précisément les tâches incombant aux responsables techniques. On remarquera que nous utilisons plus souvent le terme « responsable » que « directeur » ; certaines structures, y compris municipales, mélangeant ou confondant, souvent pour des raisons d’économie, la fonction de directeur technique avec celle de régisseur général. 

En récupérant donc des fiches de postes de plusieurs collègues (merci à eux), du secteur du spectacle vivant, mais d’activités différentes (CDN, Opéras, Scènes Nationale, Compagnies…) nous pouvons arriver à distinguer trois grands pôles de travail : 



Le travail scénique

  1. Dans tous les cas c’est LA première priorité, et on ne peut que s’en féliciter que les salariés du spectacle vivant, à quelque endroit où ils se situent dans l’organigramme, servent l’artiste. Toutefois certains employeurs préfèrent le préciser : Son activité [du responsable technique] est indissociable des activités artistiques et administratives de l’établissement. Ce travail se décompose alors comme suit : 
  2. Etablissement des plannings, LE travail incontournable duquel découlera les fiches de paye, les contrats, les heures supplémentaires, etc… ;
  3. Suivi du processus de réalisation sur les lieux de l’entreprise ou à l’extérieur (tournées), élaboration des fiches techniques, implantation des décors ; 
  4. Suivi des constructions, réalisation de costumes pour les entreprises possédant des ateliers, demande et suivi des devis pour les autres ;
  5. Mise en place des tournées au niveau logistique, transport du matériel et des personnels ;
  6. Vérification du respect des réglementations par les productions, notamment concernant les Etablissements Recevant du Public (ERP), et ce n’est pas la moindre des tâches ! ;
  7. Coordination de l’ensemble des activités dans les salles et des équipes.

Le travail bâtimentaire

  1. De plus en plus prégnant dans l’activité du responsable technique cette tâche a tendance à prendre de plus en plus le pas sur le reste. Là-aussi, nous pouvons distinguer plusieurs grandes familles : 
  2. Responsabilité et/ou gestion de la maintenance et de l’entretien des équipements et des bâtiments ;
  3. Rédaction des cahiers des charges pour les consultations et suivi des appels d’offres, quelquefois représentant la Maîtrise d’Ouvrage ;
  4. Responsabilité de la coordination et du suivi des travaux réalisés dans le bâtiment, jusqu’à réception de ceux-ci ;
  5. Responsabilité des relations avec les entreprises prestataires et les intervenants extérieurs pour les travaux effectués dans le bâtiment, y compris au niveau de la sécurité ;
  6. Gestion du parc de matériel, y compris le parc de véhicules… ;
  7. Quelquefois, il est l’administrateur réseau de l’entreprise ;
  8. Garant du suivi du registre de sécurité des bâtiments dont il a la charge. 

Le travail administratif

Si la tâche reliée au bâtiment s’est amplifiée, que dire des tâches administratives ! Liste non-exhaustive… 

Budget

  1. Coordination et rédaction de tous les documents techniques ;
  2. Rédaction des appels d’offre dans le respect des procédures des marchés publics quand c’est nécessaire ;
  3. Élaboration des budgets prévisionnels pour le fonctionnement des productions et du théâtre en ordre de marche ;
  4. Force de proposition sur les investissements en matériel ;
  5. Gestion des budgets fournitures d’entretien et de petit équipement.

Ressources humaines

  1. Encadrement des personnels sous son autorité, cela pouvant aller du personnel d’entretien jusqu’au personnel d’accueil ;
  2. Recrutement des personnels en CDD et CDI avec entretiens d’embauche ;
  3. Fourniture des éléments permettant la délivrance de DUE et des contrats, voire la rédaction de ceux-ci 
  4. Faire respecter la réglementation incendie, le Code du travail, l’application des accords collectifs et le règlement intérieur ;
  5. Participation à la définition des besoins en formation des personnels techniques avec quelquefois possibilité de sanctions 
  6. Suivi des habilitations et autres autorisations de conduite 
  7. Parfois participation au Comité Santé, Sécurité et des Conditions de Travail (CSSCT) pour représenter l’employeur.

Pour l’aider à exercer l’ensemble de ces fonctions le responsable technique bénéficie quelquefois de l’octroi d’une délégation de pouvoir ou pire de l’absence complète de fiche de poste ! 

Le responsable technique du XXIème siècle est un donc salarié ayant des compétences en ressources humaines et en fondamentaux des formations, connaissant les articles du Code du Travail, la jurisprudence, la comptabilité publique, ayant le sens de la négociation (ou du marchandage), ayant des appétences pour la plomberie, l’électricité, le chauffage, les espaces verts, la téléphonie, l’informatique ; pratiquant plusieurs langues, possédant une autorité naturelle sans tomber dans l’autoritarisme, ayant des fortes capacités de management, capable de motiver des équipes, y compris à recommencer pour la quinzième fois le même changement de plateau un jour férié à 3h du matin, capable de résister aux demandes les plus extravagantes, faisant respecter contre vents et marées la sécurité de tous et garant du respect de toutes les réglementations passées, présentes et futures. 

Ah oui ! et aussi savoir faire du spectacle… 

  • Jean-Jacques Monier / Théâtre National de Strasbourg ……………… Par ici
  • Réditec fédère les responsables techniques …….. Par ici
  • A Strasbourg les directeurs techniques interrogent le management……… Par ici
  • Nous sommes tous responsables de notre prévention……………………. Par ici
  • Récit d’un drame ………. Par ici
Jean-Jacques Monier directeur technique du Théâtre National de Strasbourg
Retour en haut